Carte postale
Je t’écris avant de partir. J’ai précédé le matin. Le temps va m’échapper, un jour l’oubli. Tout est là et je n’ai pas souhaité me souvenir de l’essentiel. Je préfère découvrir la suite comme on part en transhumance. C’est en nomade que je m’éloigne le mieux du bruit du monde. Bien sûr dans mon bagage j’ai fait de la place à un peu de bleu, j’ai calé sur le côté les œuvres de Char, le simple de ma tunique blanche, la lenteur de l’encens, les passages de Mozart, l’impatience de mes crayons de couleurs. J’ai déposé mille autres douceurs légères, pour m’accompagner. Sur le chemin je vais semer du silence. Je me défais de tout comme on se dépouille. Il faut beaucoup de patience pour traverser cet espace pastoral tantôt bucolique, parfois glacial balayé par la brume. Ne m’attends plus. Tu sais que je n’ai jamais su lire un plan. Juste mes chagrins d’enfant peut-être. Je marche un peu moins vite, j’ai du temps désormais. Et si parfois, en levant les yeux vers la montagne dentelle, j’aperçois ton ombre, je suis cette femme entrée en désamour par la porte un matin que tu as ouverte. L’espérance s’est finit en lassitude. D'autres saisons viendront. Déployant leur temps. Par l’étroit sentier qui serpente, quand j’apercevrai le torrent qui descend, il sera l’heure de faire pause à l’ombre du grand chêne. La paume en visière, parcourir des yeux la montagne, caresser la plaine jusqu’à ne plus voir la mer. Prendre toute cette hauteur.
En rester à moi-même.
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