Ça a commencé quand ? En fait je crois que cela ne s’est jamais vraiment arrêté. Il y a eu des moments plus intenses que d’autres, des émotions plus denses que d’autres, des questions plus précises, des réponses très claires. Parfois des mots flous. Des silences lourds, des lectures optimistes, des éclats de rires complices. Des colères et des caprices. Des découvertes, des apprentissages, une belle vie d’enfant. La terre rouge, des avions climatisés, des îles envoûtantes, des vignes folles qui couraient sur les vallons. La maison en accueil. Solide, fière, chaleureuse. Enveloppée et abondante. Il y eu des croisements, des rencontres. Des jouets perdus, une marionnette boîte à musique qui fonctionne toujours, des tours qui faisaient mille lumières sur la nuit venue dans une ville. Des voitures et du bruit. Ce sentiment qu’on est d’ailleurs. Mais que malgré tout un jour il faudra composer avec elle, la ville. Des lampes à pétroles et des déserts, des pagnes aux affolantes couleurs, les langues apprises un peu, des jujubes et des mangues. Des odeurs, ah les odeurs de l’Afrique. Impossible de raconter. Elles sont là, en moi. Tout contre. C’est tout et c’est tellement. Et la latérite. Surtout la brousse. Et la nuit si noire. Des ruptures de racines. Comme des tsunamis. Un traumatisme. Il a fallu recommencer. Ailleurs. Dans un pays où il faisait tellement froid et gris qu’il était difficile de distinguer le matin de l’après-midi. Puis Il y eu toutes ces images, ces indignations, ces colères, ces refus. Il y a eu aussi des boulimies de voir, d’apprendre, de comprendre, d’essayer de saisir le sens. Bien sur il y a eu les refuges, les douceurs, les bonheurs. La mer et les bleus. La forêt et les verts. La campagne et les fleurs. Et de nouveau la mer. Ma fidèle. Les amours, les enfants, mes victoires, les amis. Les deuils. Des vies à garder en soi. L’effondrement, un jour. Il y eu tous ces doutes. Des défis à relever. Des batailles à gagner. Retrouver le sourire, s’habiller couleur, délaisser le noir. Il y eu l’harmonie, apprivoisée, en patience, en quotidien. Des trébuchements aussi. Des larmes. Des nez qui reniflent, des soirs douloureux. Des châles qu'on resserre aux épaules. Tous ces froids. Puis les soleils en mémoire. Des moments calmes. Des paix soyeuses. Des bougies en éclaircies, des soirs où on refait le monde. Des mots écrits. Tous ces carnets de poésies. Des livres. Tellement de livres. Des isolements c’est certain. De bels été aussi, la mer pour horizon. Des promesses auxquelles on veut toujours croire. Des « je t’aime », écrits, redits, dits, maintes fois, encore, ici, avant toi, pendant nous, après vous. Il y eu des lieux vides, des trahisons, deux robes de mariée, des cartons à jeter, des volets à fermer. Des marches, des longues marches, seule ; ou pas, toutes ces envies d’aller au bout et d’y aller encore, toujours plus loin. Avec toutes ces peurs de toujours. Un jour, tu sais que tu y es. Un cycle. Des promesses. Une main ouverte. Tu te dis, voilà c’est doux. J’y suis. Et puis, un matin, en regardant le ciel, tous ces nuages qui passent, la tasse de café à la main, le Printemps qui s’ensoleille, la neige qui a fondu, la valise n'est pas très loin, tu vas y aller. Tu sais que tu dois le faire. Partir. Puis, tu croises ton propre regard dans le miroir. Tu sais, celui qui est dans le salon, oui, le petit, qui est rond et si discret. Tu t’arrêtes. Tout net. Il y a que tu comprends. Tu sais que oui ça va faire mal. C’est même ton corps qui te donne les premiers signes. L’étau. Cette douleur. Oui celle-là qui danse et qui te fait trébucher. Ça tourne beaucoup. La main sur le cœur, trouver la force de s'asseoir, attendre que ça passe. Tu sais que tu es seule. Tu as un peu peur. Le rose aux joues. Le picotement au front. Affolée tu sais que tu dois ne rien dire. Ne rien faire d’autre que le silence. C'est comme ça, ça s'impose.
Et puis surtout, retrouver le souffle. Voilà c’est ça. Tu tentes de retrouver la respiration. Et n’entraîner personne avec toi.


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