Je réponds à la lettre que tu n'as pas écrite. Celle de la semaine prochaine. Celle qui te trotte dans la tête, parfois, le matin quand tu te lèves si tôt. C'est agréable ce moment, quand tout chavire à peine entre réveil et sommeil. Tu entrouvres les volets, il fait encore nuit. La minette qui a passé la nuit dehors te miaule des bonjours à peine audibles, elle s'emmêle dans tes jambes quand tu prépares ton thé. Tu pense à ce que tu dois me dire. Ce que tu as envie de me faire partager. Parce que des fois l'amour c'est l'amitié profonde et sincère, et des fois l'amitié c'est aussi de l'amour. Non, tu réfléchis à comment tu peux me dire tout ça. Quand l'ordinateur s'allume c'est la lumière qui te surprend, à chaque fois c'est pareil. Puis tu navigues de lectures en lectures. De nouvelles en actualités, la radio te diffuse les informations. Le thé brûlant dans le creux de tes paumes, tu souffles sur ce chaud que tu aimes tant. L'idée de la lettre revient, mais pourquoi dire ? Alors la journée s'enchaine, les heures s'égrènent. Parfois, l'idée de la mer te ramène à cette correspondance. Plusieurs fois promis, voir évoquée, jamais partie. Cela t'ennuie. Des fois. Tu es gêné. Tu as promis, et un homme bien ça tient ses promesses. Puis tu sais mes vacillements. Tu voudrais me protéger. Mais tant de retenues en toi. Car oui, pourquoi cette protection ? Tu souris. Car au fond de toi, tu le sais bien pourquoi. Alors qu'écrire dans une lettre ? Puis après tout, tu n'as rien à justifier n'est ce pas ? Tu es libre et tu n'as pas fait de promesses. Du moins pas énoncées, pas dites, pas écrites. Des petits pas, parfois, des petits signes. Nous n'avons pas besoin de nous parler. Nous nous comprenons. A distance. Tous ces sous-entendus, tu sais que j'ai compris. Je sais que tu comprends. Mais tu as bonne conscience. Tu n'as rien dit rien fait qui puisse te mettre en porte à faux. Alors écrire…..ce serait avouer. Donc non. N'y pensons plus. Pourtant le soir, quand veille la lune et par ciel clair, parfois, je devine que tu y penses. Mais comment dire la vie que tu as choisi ? Tu n'oses me froisser. Peut être. Tu penses que mes blessures sont suffisantes. Alors tout ce silence, c'est mieux. Oh bien évidement la conscience continue de te tirer l'oreille parfois. Bien vite tu chasses tout cela. Rien n'est lié. Rien à délier. Tout est dans le non dit. Un jeu de mots, des vers, elle comprendra penses-tu. Oui, oui, elle a compris. 
Mais. 
Moi, je réponds à la lettre que tu ne m'as pas écrite. Pourtant promise. Elle ne trotte pas dans ma tête. Elle est là sous mes yeux. Tous les jours. Oh elle ne me blesse pas. C'est comme une route. Je la suis. Sans but. Je n'attends rien. Je n'ai pas de boussole. Elle ne n'emmène nulle part. Je la suis. C'est tout simplement comme ça. De loin, de près. Elle fait soleil souvent, elle est bleue beaucoup, parfois la pluie s'y met, un peu de gris mais beaucoup de lumière. Souvent la mer. Cela me touche d'effleurer ton bonheur, en lisant, je fais partie. Comme un témoin. Une confidence. Je veille aussi. Pour toi. Sur toi. De loin. Comme une envie que tu ne te trompes pas. Que tu ne trébuches pas. Que tu ne souffres pas. Comme une amie. Une sœur. Comme la compagne que je n'ai jamais été. Que je ne serais jamais. Je suis heureuse pour toi. Même si je ne suis pas concernée et que surtout tu aimerais bien que je ne réponde pas à la lettre que tu n'as pas écrite. Allé va, ce n'est pas si grave. Ce qui compte c'est que moi, je puisse juste y répondre. J'avais envie de te dire. Je réponds à ta lettre. Que tu n'as pas écrite. Juste cela. Même si tu n'as pas écrit cette foutue lettre. T'es beau.

Texte  M@claire© Droits réservés




Commentaires

Articles les plus consultés