Je faisais la vaisselle et c'est là que je me suis effondrée. C'est à cet instant précis, les mains dans l'eau brûlante, que mon regard embué s'est évadé par la fenêtre de la cuisine.
J'ai glissé lentement sur le carrelage, mon corps s'en est allé glisser lentement sur le carrelage comme un évanouissement.
En fermant mes yeux, les larmes trop longtemps retenues se sont enfuies sans aucune retenue.
C'est en nettoyant la vaisselle que ça m'est arrivé. Là, tu vois, j'ai pleuré en faisant la vaisselle.
Je ne sais pas si j'y vais. Sur le carrelage froid mes jambes allongées, ma chemise déboutonnée au trois quart, j'ai pleuré. Vas voir plus loin me suis-je dis, mais je n'ai pas pu retenir ce flot salé qui venait de tout mon corps.
Comme une enfant, une gamine abandonnée, une gosse de rue mal fagotée qui renifle bruyamment, là j'ai pleuré tout ça. Et bien plus encore.
C'était trop, c'était trop d'émotions trop longtemps refoulées. Les mains humides parsemées de chaque côté de mon corps abasourdie j'ai pleuré. On aurait dit une grosse fleur fanée qui pleurait. Des gouttes de rosée. Des larmes de pluie. De l'eau salée. Un peu. J'ai goûté avec ma langue. J'ai pleuré encore.
Des larmes amères qui roulaient comme des grosses vagues, tu sais quand la mer est en colère.
Je faisais seulement la vaisselle, là, machinalement, et je me suis écroulée. Sans chocs. Ils étaient à l'intérieur de moi.
Alors doucement, tout doucement, les joues brûlantes, les lèvres gonflées, les larmes coulaient sans arrêt. Le silence était si bruyant que je n'arrêtais pas de pleurer.
Là sur le carrelage de la cuisine, la vaisselle pas terminée, ma chemise déboutonnée, assise sur le carrelage froid j'ai pleuré.
Voilà ça fait du bien là de pleurer.
Le soleil jouait dehors, moi j'ai froid sur le carrelage et je pleure.


Texte M@claire© Droits réservés

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