Il y avait là une vie avec un voile opaque. Celle que l’on tait. L’intime et soudain un flot de paroles trop longtemps retenues. Un barrage qui gronde. Forcément les digues un jour ça lâche. L’érosion est toujours la plus forte. Des jours et des nuits, des mois et des années. Des saisons ensoleillées puis du froid en hiver. Du vent et la mer. Un travelling accéléré. Du jardin de Sikasso parsemé d’œillets d'inde au parfum aigre, jusqu’aux pruniers de la Tantôte en septembre. Quand j’en dévalais les chemins, poings serrés, rage au ventre, arrachant des poignées d’herbes, luttant contres les orties. Sans oublier, entre deux sanglots, de glaner les mûres. Mes poches étaient toujours trouées. Moi, cette gamine solitaire et vagabonde. De l’enfance sauvageonne à l’adolescence policée. Toute cette peine coléreuse qui m’a fait devenir l’adulte parfois froide et distante trouvant refuge dans le silence. L’acquiescement plutôt que l’affrontement. La fugue qui fait la force et donne le courage. L’isolement comme résilience. La réponse accommodante. Parce que les présences tissaient le mutisme. Et cette incapacité de m’exprimer. D’où je tenais ma fougue envers cette impossibilité de dire. Et puis un jour j’ai donc choisi d’écrire. Il fallait bien que les mots exultent. Comme on sème pour conquérir cette langue qui se faisait rebelle. Un jardin fleuri de textes ici ou là. Coloré de douceur, assombri de chagrins, odorant de vécu. Agencé en désordre. Au centre parfois, quelques racines prennent vie. Exaltées comme des premières communiantes. Agacées du piège. Résignées du désordre de la terre. 

Où en suis-je maintenant que la lumière a grandi sur mon visage en y creusant ses sillons ? 

Que pourrais-je encore murmurer à ce point de ma vie où je suis arrivée ? 

Crois-tu qu’il suffira d’un ultime poème pour que tout soit dit enfin ? 

Je l’envisage léger, quelques lignes courant sur la feuille blanche 

Celles qui diraient tout comme on clôt un cercueil

Où qui crieraient que la vie continue 

Là en tournant les pages.

Texte M@claire© Droits Réservés