La maison est vendue. J'ai donc été "ranger" les vestiges.

A chaque placard qui se vidait, j'ai ressenti comme des nœuds qui se défaisaient. Evacuer tout ce passé. On aurait pu imaginer quelques serrements au cœur, peut-être une larme. Mais non.

Une libération. Il était temps. J'ai fait rentrer le soleil dans tous ces souvenirs. Je n'ai presque pas voulu garder de choses. Quelques objets à peine. Quelques histoires dans des petites boites. Même pas d'odeur sur les foulards. J'ai déjà tourné la page. Je ne garde que le soleil au cœur, des éclats de rire, l'ombre du grand hêtre pourpre, la fraîcheur dans le vent qui passe sur les bouleaux, le sucre d'une cerise gobée en catimini, les nuits étoilées des mois d'été, la musique qui s'échappait du salon, le champagne qu'on buvait en se faisant des vœux. La vie qui passe, nous échappe, parfois, nous souris aussi. Il y à très longtemps qu'on ne m'offre plus les glaïeuls du jardin pour la sainte Claire en août. Je garde les étés brûlants, les vagabondages sur les chemins alentour. Le premier baiser dans la paille, quelques groseilles qui tachent mon chemisier, des promesses d'amour éternel, les illusions et les questions quand on a 15 ans, la belle vie. Le lait qu'on va chercher à la ferme, la timbale à la main comme un précieux sésame. Un verre d'eau fraîche bu et vite déposé dans l'évier en pierre, ah ce bruit particulier du pyrex sur la pierre. La fête du village, le bal, le tampon sur le poignet pour aller danser. L'accordéon, les enfants qui courent, les vieux qui rit, les jeunes qui s'épient. Les balançoires au fond des jardins, les volets qu'on repeint, l'herbe qu'on coupe. Au loin, les moissonneuses qui récolent les blés mûrs. Les maisons qui s'ouvrent, celles qui se ferment, les premiers mariages, les premiers deuils. La boulangerie qui ferme, le bistrot qui se vide. Les départs, les retours. 

Nos vies, leurs vies, mille vies, ma vie. Je m'offre le luxe de sourire à tout. 

Je me suis pardonnée depuis longtemps pour leur pardonner à eux.

M@claire© Droits Réservés