J’ai dîné avec lui hier. 
Il a vieilli. Les tempes plus que grisonnantes, la bedaine plus que naissante, la soixantaine aux portes. Bien sur nous vieillissons. Le temps fait son œuvre. Mais souvent, on insiste toujours plus pour décrire une femme qui "subit" les ravages du temps, que les hommes. Il suffit d'ouvrir un magazine. 

Je me suis ennuyée, il ne m’a pas fait rire, tout au plus vaguement sourire. Chaque mot venant de lui est perfectible. Avec des pauses silence qu’il s’est efforcé de meubler. Je n’avais pas envie de faire cet effort. Celui d’être là en était déjà un pour moi. Il semble heureux. Il se tient toujours aussi mal à table, il se fout toujours autant des autres, il est le meilleur, il y croit tant. Ça se mesure à sa capacité à se poser dans le présent, à enjoliver le passé, quand il ne préfère pas le passer sous silence, évitant les questions, à se projeter dans l’avenir et de tout, toujours, prédire en chemin bien sombre et désastreux. On frôle les catastrophes à chaque mot. C'est terrible. Il raconte bien. Je ne sais plus l’écouter. Il se voit déjà en petit vieux qui ne pourra plus monter les quelques marches dans sa maison. 

C’est dire. Le pesant. En l’entendant d’une oreille distraite me parler de ses projets de retraite, déjà il en parlait, j'en suis presque certaine, il y a vingt ans, j’en devine chaque détours, chaque détails. 
La mer, la Bretagne et blabla, il me raconte ses rêves, il me raconte comment il pourrait me "disposer" dans son espace marin, un jour, il me fait croire qu'il veut être une ancre pour nous. Sans jamais me demander mon avis. Bien sur. Il n'a même pas ressenti que je n'écoute plus, j'ai décroché depuis longtemps, . 
En bord de nausée. Celle que je suis devenue écrit des mots.
Elle en reçoit aussi. J'ai bien aimé que ton texto arrive à cet instant.
Ce rayon de soleil comme un coquelicot
Dans l’exigence de la vie
Je n’oublie pas d’où je viens et je regarde la route droit devant. Parfois je mets ma main en visière. 
Je cherche à prévenir les alertes. Ce n'est pas si simple.
Je pose un regard sur les cartes, je m’essaye au compas. Je suis nulle en calculs. Je m'égare souvent. 
Je me laisse traverser
Et continuer. Au plus loin des cendres
Y aller pour s’émouvoir encore
S’aventurer davantage, vivre toujours et encore plus
Ne jamais avoir peur des marches
Dans les jardins, en bord de mer
Dans les maisons ou les bateaux.



M@claire©



Commentaires

  1. Marquise si mon visage
    À quelques traits un peu vieux,
    Souvenez-vous qu'à mon âge
    Vous ne vaudrez guère mieux.

    Le temps aux plus belles choses
    Se plaît à faire un affront,
    Et saura faner vos roses
    Comme il a ridé mon front.

    Le même cours des planètes
    Règle nos jours et nos nuits :
    On m'a vu ce que vous êtes
    Vous serez ce que je suis.

    Corneille et Brassens

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